Babaou

× Nous sommes dans une agence de renseignements : spécialité de divorces sur commande. Mme Plantin, femme du patron, trouve que les affaires ne vont pas à son gré. Elle a son plan : qu’un mari s’adresse à l’agence pour se débarrasser de sa femme, on fera séduire celle-ci par un spécialiste attaché à la maison ; d’où divorce et honoraires assurés. L’homme irrésistible que l’on chargera de ces délicates missions est déjà trouvé : c'est Babaou, vedette noire d’une boîte de Montparnasse. Chacun sait que depuis l’Exposition coloniale, nulle femme n’est capable de résister aux séductions d’un nègre. D’ailleurs, le voici, qu’on en juge. N’est-il pas beau, ce Babaou couleur de cirage, roulant des yeux en vrille sous sa perruque laineuse ? La grosse Hortense Plantin. qui le trouve fort à son goût, l’embrasse derrière la porte. Horreur ! sa joue déteint ! Le prince Bou Bou Babaou de Tchibitchoutcri r’a plus qu’à avouer sa supercherie : seule une misère... noire a poussé le comte Edgar de Pierremont à prendre ce sombre déguisement. Débarbouillé par la dactylo, Edgar reste malgré tout désigné pour le rôle de Don Juan à gages.

Il ne va pas tarder d’ailleurs à l’essayer. Voici venir une jeune femme qui a besoin des services de l'agence ; son mari la délaisse : qu’on la prenne en flagrant délit, elle paiera ce qu’il faudra. Bien entendu, le client qui lui succède est le mari lui-même. Lui aussi veut divorcer ; mais il s’agit de trouver en défaut son irréprochable moitié.

Voici donc pour Edgar l'occasion de montrer ses talents en faisant la conquête de l’irréprochable Lucienne Marignan. Je ne vous conterai point en détail la scène de séduction, troublée par l’arrivée du commissaire, ni comment la jolie dactylo sauve la situation. Sachez seulement qu’au troisième acte, le mari sera pincé par ledit commissaire, grâce à une nouvelle complicité de Denise. Après ces actions d’éclat, celle-ci n’a plus qu’à envisager avec sérénité la perspective de devenir comtesse de Pierremont.

[Extrait de "Comoedia", 3 avril 1932]