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Au premier tableau, voici le Mensonge, splendidement chatoyant, cravaté d’un serpent, drapé d’un manteau d'arc-en-ciel, qui vient affirmer sa domination sur ce monde. La Vérité, ceinturée par la bouche de son puits et miroir en mains, le veut contredire, mais, dans son simple costume, elle apparaît auprès de lui bien pauvrette. Elle ne le défie pas moins, et ils partent en champ clos dans une auberge de Normandie.
Là, la Vérité, déguisée en servante, amène partout la zizanie en dénonçant toutes les cachotteries du patron et de la clientèle. Ainsi apprend-on que les soles du menu sont de la limande, le poulet sauté du lapin, que le baron Trinquet d’Orsay n’est ni baron ni d’Orsay, que la simili-baronne n’est pas son authentique épouse, mais un modèle de Montmartre ; que Cardot, qui escamote son titre est, lui, bel et bien comte, et que celle qui passe pour Mme Cardot est, elle aussi, une irrégulière. Et encore, que le fils Cardot, Pierre, dix-huit ans, qui a enlevé la fille de Trinquet, Lydie, dix-sept ans, et veut faire accroire qu’ils sont en voyage de noces, n’a jamais -convolé devant M. le maire. Et encore que la pseudo-Mme Trinquet trompe Trinquet avec Cardot, et qu’il en est de même entre Trinquet et Mme Cardot. Quand la Vérité a tout brouillé, le Mensonge répare tout, et ramène l’harmonie sociale.
Alors il entreprend de lutter contre l'amour de Pierre et de Lydie et de les pervertir. Au jeune homme, il envoie des visions lumineuses, à la jeune fille, .il souffle la ruse. Cette fois, c'est la Vérité qui est la réparatrice. Après bien des péripéties durant lesquelles les adversaires arborent nombre de travestissements et où la Vérité reçoit nombre de horions, surtout au Parlement, l'ordre est rétabli par quatre mariages, ceux des trois couples précités et celui des deux rivaux, la vie ne pouvant se passer ni de vérité ni de mensonge. Et voilà bien une vérité.
[Extrait de "La Presse", 13 octobre 1926]