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Rapatipatoum est le mot de passe fatidique qui permet aux étrangers de pénétrer dans nie des Cartes. Au lever du rideau, cette île — nullement escarpée et pourvue de bords charmants — montre une effervescence inaccoutumée. Sa population — uniquement composée de cinquante-deux sujets dont nous ne voyons que les trente-deux aînés, les vingt petits jeunes étant encore au maillot, au fond des coulisses — rêve de fonder une république. Tout va pour le mieux. Les quatre monarques en fonctions — les rois de pique, trèfle, carreau et cœur — vont être détrônés, lorsque quatre cartes indépendantes préfèrent prendre la poudre d’escampette. Un représentant de la marque Grimaud — récemment débarqué dans nie grâce au sésame Rapatipatoum — persuade aux reines de cœur et de pique, ainsi qu’au valet de carreau et à l’as de pique qu’il leur vaut mieux aller faire une petite balade joyeuse sur la Terre. Il ne faut pas jouer avec le feu des Révolutions. On approuve ce projet et notre quatuor de cinq personnages —cicerone compris — s’empresse de décamper, par la voie des airs, sur un avion que pilote... l’as de pique, naturellement.
Après un mois d’escapade terrestre pendant lequel, Fortuné, l'employé Grimaud a fait une cour acharnée à la reine de pique, nos fugitifs réintègrent l’ile des Cartes. L’infortune conjugale du roi David — encore incertaine pour quelques naïfs spectateurs de province — apparaît alors dans toute son ampleur. La reine de cœur la favorise même de vilaine façon. Afin de seconder les coupables amours de sa collègue de pique, elle n'hésite pas à dissimuler sous la robe d’un joker — trouvée là fort à propos — l’amant Fortuné. Voilà donc le bel amoureux définitivement installé prés de sa bien-aimée. Désormais le peuple cartésien comptera 53 citoyens officiels. Ail right ! la Reine file le parfait amour et le Roi boit.
[Extrait du "Figaro", 9 avril 1919]