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Quand nous saurons que le sire de Guilledou est parti pour la guerre, laissant une épouse et des servantes éplorées, quand nous l’aurons vu au cours de ses campagnes faire la noce avec une joyeuse courtisane, quand nous aurons assisté à sa gageure avec Gigoletto, dont il a ravi la maîtresse et qui à son tour parie de forcer la vertu de la fidèle Léonore - autrement dit Mine de Guilledou - quand nous aurons vu Gigoletto accourir auprès de la vertueuse dame pour la séduire, quand nous aurons vu le sire de Guilledou inquiet revenir dans son château pour surveiller Gigoletto, quand nous nous serons diverti des maladroits déguisements qui le font reconnaître de tous, il semble que nous n’aurons plus à attendre de grandes surprises de ce sujet qui nous a réellement amusé et cependant nous ne sommes qu’à la fin du premier acte.
Que va-t-il donc se passer dans le second ? Gigoletto continuera à exercer ses charmes séducteurs sur Léonore, le sire de Guilledou continuera à être inquiet et à se déguiser, les gens du château continueront à le reconnaître. Gigoletto a beau être comme il le clame à chaque instant le fils de la débauche, cette maternité ne pourra pas lui donner des idées nouvelles et faire rebondir un sujet qui fût devenu presque ennuyeux si MM. Rip et Dieudonné ne restaient toujours dans leur étincelant dialogue Rip et Dieudonné.
Car ce n’est pas la petite aventure de Léonore à qui une liqueur donne un subit tempérament, alors que Gigoletto fatigué ne peut répondre à ses brusques embrassements, qui constituera une intrigue nouvelle. D’ailleurs, nous avons vu déjà ça quelque part. Il est vrai que de n’était pas sous le règne de Louis XII. La chute du seigneur de Guilledou dans une trappe et son combat avec d’invisibles rats est également insuffisante pour donner du piquant à cette action périmée. On devine que les auteurs ont fini. D’autres se seraient battus les flancs. MM. Rip et Dieudonné ont tant d’esprit qu’ils sont encore arrivés à nous divertir.
[Extrait de "Comoedia", 1er février 1920]
A une époque qui n’est pas très exactement définie, mais qui doit se situer dans les environs de Louis XII, François Ier... quelque part par là, Anatole, sire de Guilledon, gentilhomme de Provence fait ses adieux à son épouse Léonore, qu’il quitte pour aller guerroyer en Italie.
Léonore jure fidélité à son mari, ce qui à première vue semble superflu, puisque le sire de Guilledon, qui a enrôlé dans ses régiments tous les hommes du pays à cent lieues à la ronde, ne laisse au château que son vieux fauconnier Landry, âgé de cent ans, et le filleul de sa femme, le petit Fridolin qui entre dans sa cinquième année.
Du reste, Léonore est vertueuse, et le château de Guilledon est réputé pour l’austérité de ses mœurs qui en font une manière de monastère.
L’absence du seigneur dure dix ans. Les Français, en Italie, sont vainqueurs des Impériaux. Aussi, le sire Guilledon, a-t-il envoyé à sa femme pendant ces dix années de guerre, un fabuleux butin, qui consiste, outre l’or monnayé, en objets d’art et en tableaux enlevés aux musées, sans compter les robes, les bijoux et l’argenterie tombés entre ses mains pendant le sac d’un assez grand nombre de villes.
Comme tout vainqueur qui se respecte, le sire de Guilledon fait à Florence une noce carabinée. Il a pour maîtresse la courtisane Bombilla qui a délaissé pour lui Gigoletto. duc de Veglione, grand seigneur florentin, comme son nom l’indique, célèbre pour ses conquêtes féminines et autres...
Gigoletto trompé par Bombilla, a juré de se venger. Il propose à Guilledon un pari que nous n’hésiterons pas à qualifier de
shakespearien : Gigoletto se fait fort d'obtenir les faveurs de Léonore, la vertueuse épouse du gentilhomme français.
Sûr de sa femme, le sire de Guilledon accepte la gageure.
Mais, le château monacal a bien changé d’aspect depuis dix ans. L'influence italienne, due aux envois du seigneur, a métamorphosé les choses et les gens. Et les chambrières, comme la maîtresse de céans, elle-même, intoxiquées par les parfums de la luxure émanant des modes et de l’art italiens, s avèrent d’une impatience inquiétante en ce qui concerne ce qu’on est convenu d’appeler la rentrée des troupes.
Gigoletto, muni d’une lettre de l’époux trop confiant, s'introduit auprès de Léonore. Il plaît, mais Léonore a été vertueuse trop longtemps pour céder tout de suite.
Cependant Anatole de Guilledon, pas très rassuré sur l'issue du pari, revient déguisé, chez lui, pour surveiller son adversaire.
Léonore qui le reconnaît, s’irrite des soupçons de son mari - quelques principes la retiennent encore... Mais ceux-ci tombent d’eux-mêmes, lorsqu’elle surprend son mari avec Bombilla qui est venue le relancer.
Elle s’offre alors à Gigoletto... qui la remercie poliment, ayant usé et abusé des chambrières au point de n’être plus qu un amoureux platonique. C’est Fridolin, le filleul de Léonore, devenu un charmant éphèbe, qui profitera des nerfs un peu trop tendus de la châtelaine.
Le sire de Guilledon ne peut ignorer ce détail mais comme Gigoletto reconnaît publiquement avoir perdu son pari, il ferme philosophiquement les yeux.
Le ménage vivra heureux et aura beaucoup d’enfants, dus à la collaboration de Fridolin.
[Extrait du programme original]