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La science a encore de beaux jours devant elle... Imaginez la gloire du savant qui, découvrant l’essence du "sex appeal" mettrait la séduction en fioles... Pour un Don Juan, pour un Casanova qui y perdraient leur exclusivité, que d’hommes seraient aises d’augmenter leur prestige ! Or, cette trouvaille, qu'un savant au nom barbare vient de faire, arrive à point nommé pour dépanner le sieur Cherbiquet. Ce digne homme, qui arrondit jadis sa panse et sa fortune en fabriquant des charcutailles, s’avère un piètre conquérant. Retiré sur la Cote d’Azur où il rnène grand train, avec sa fille Arlette et sa belle-sœur Séraphine, il dépose en vain sa flamme et son or aux pieds de la blonde star Rita Flory : l’étrange donzelle prétend ne céder qu'à l'amour.
Vous devinez donc avec quel intérêt Cherbiquet apprend que le futur locataire d’une de ses villas est précisément ce mirobolant alchimiste qui a su capter les ondes attractives et avec quelle jubilation grandissante il s’aperçoit qu’Emile Perrin, le secrétaire du professeur, en lui confiant le secret, a omis de reprendre le tube magique qui servit à sa démonstration. Le talisman glissé dans la poche de son gilet, notre homme éberlué voit aussitôt sa dactylo et sa soubrette choir automatiquement sur son giron : à lui, maintenant, la star récalcitrante...
C’est toujours grand motif de joie d’être témoin d’une bonne farce. L’auteur, qui nous a pris pour dupés, va nous transformer en complices. Plus que les ondes en tubes, le professeur et son secrétaire mettent les gens en boite : les deux victimes de Cherbiquet ont reçu prime de pâmoison. Le séduisant Emile Perrin, escroc de haut vol, compte soutirer la grosse somme à Cherbiquet en lui refilant la formule, et la prétendue star lui a servi d’appât. A ce joli hameçon, notre naïf a mordu ferme : qu’il se laisse croquer et Cherbiquet, ayant l’indiscutable preuve du pouvoir souverain des ondes, paiera cent mille francs la recette. Si, à l’instant suprême, Rita ne regimbait, tout concourrait plaisamment à enferrer le pauvre Cherbiquet ; le tube vole chez lui de mains en mains. Le vicomte ridicule, officiel prétendant d’Arlette, ne s’en est pas plutôt saisi qu’une éphémère dispute entre la jeune fille et le gentil René qu’elle aime jette en ses bras la dépitée. Il n’est jusqu’à la prude Séraphine, vieille fille acariâtre et moustachue, qui, l’ayant dérobé, croit en ressentir des effets aigus.
On ne sait trop comment tout finirait si, après la blonde, la rousse ne s’en mêlait. La villa est cernée, fouillée à l’instant même où les escrocs touchaient au but. A eux, feintes et quiproquos : ils s'envolent au nez du gendarme. Hélas ! leurs victimes, sauvées du péril d’argent, restent dépouillées de leurs illusions.
[Extrait de "Comoedia", 19 janvier 1936]