Articles de presse
Comoedia
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30/10/1933 |
Musique et cinéma : en soupant au Quartier latin avec Vincent Scotto. Article par Alexandra Pecker. |
Vedettes
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12/04/1941 |
Cinq minutes avec Vincent Scotto, l'homme aux 5000 chansons. Article par Henri Contet. |
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Fils d'immigrés italiens, il apprend l'ébénisterie auprès de son père tout en s'initiant à la musique (guitare, solfège...). Etudes modestes qui l'empêcheront d'écrire la musique - il aura longtemps auprès de lui un copiste-harmonisateur, et un orchestrateur - mais pas d'en composer des quantités industrielles : on lui attribue 4000 chansons, 60 opérettes et 200 musiques de films. Il commence très jeune à écrire des chansonnettes pour les vedettes locales. Grâce à Polin, son "Navigatore", édité par Christiné, alors roi des compositeurs de chansons, devient "La Petite Tonkinoise".
En 1906, il monte à Paris. Il produit en série des chansonnettes, mais jusqu'à la série des revues-opérettes marseillaises qu'il entreprend en 1932 avec René Sarvil et Alibert au livret et Georges Sellers à la musique, Vincent Scotto est un compositeur comme beaucoup d'autres. Après 1918, il connaît de jolis succès, pour Maurice Chevalier, en particulier, car il figure dans l'écurie Salabert qui était le fournisseur exclusif des vedettes. Mais il ne se démarque pas du tout venant (Pearly, Gabaroche, Moretti sont plus connus que lui dans les années 20).
Sa première pièce, Susie, en 1913, a eu un succès d'estime en province (la partition est d'une grande platitude mélodique). Ses opérettes des années 20, pourtant nombreuses (voir la liste SACD), n'ont pas grand succès. La plupart n'arrivent pas dans les grands théâtres parisiens. L'explication en paraît simple : à l'image d'un Borel-Clerc (dont la carrière est presque aussi longue que la sienne, ceci explique cela), Scotto compose des airs plaisants, mais sans grande personnalité. On reconnaît rapidement un air de Christiné, Yvain ou Moretti, pas vraiment un Scotto.
Ce défaut va devenir une qualité dans les années 30, dans la mesure où il va permettre à Scotto de se couler successivement, voire simultanément, dans des moules différents qui lui permettront mieux qu'à d'autres de suivre l'air du temps. Il est ainsi tout à fait frappant de voir que le même homme ait pu composer la même année 1932 "Au pays du soleil" pour Alibert et "J'ai deux amours" pour Joséphine Baker !
Les "opérettes marseillaises" inaugurent une formule originale : d'abord, si l'on excepte le "Titin" de Szulc en 1920, c'est la première incursion, simultanément à la trilogie de Pagnol (et le triomphe de chacune des deux rejaillit sur l'autre), d'un pseudo-folklore régional sur les scènes parisiennes, avec des personnages issus du peuple de Marseille (quand la plupart des pièces de l'époque, musicales ou non, se déroulaient en général chez de riches bourgeois et/ou dans le milieu des affaires parisiens), et des intrigues vaguement dramatico-policières (beaucoup de coups de pistolet !).
Ensuite sur la forme : ce sont des "opérettes-revues", c'est à dire que ce sont des pièces, dans la mesure où elles racontent une histoire à peu près cohérente, mais ce sont des revues dans la mesure où il n'y a pas de véritable partition, mais simplement une douzaine de chansons, plaquées là comme un tour de chant : elles ne servent pas l'action et y sont à peine reliées ; elles sont pour la plupart interprétées par Alibert.
Par ailleurs, elles sont mises en scène à l'économie : nombre de critiques de l'époque soulignent l'amateurisme de la mise en scène et de certains interprètes. Ces deux aspects sont très visibles dans l'adaptation cinématographique des Gangsters du Château d'If en 1939 par René Pujol qu'on a connu mieux inspiré dans ses propres oeuvres.
Par parenthèse, la vogue marseillaise est telle en 1932 que les adaptateurs français de "L'Auberge du Cheval Blanc" trouveront le moyen d'y placer un marseillais (Bistagne, interprété par Charpin, un fidèle de Pagnol) !
Bref, outre la vogue marseillaise, les chansons de Scotto pour ses opérettes marseillaises ont les qualités de leur défaut : elles ne perdent rien à être chantées hors de la pièce qui les a vues naître. D'autre part, musicalement, elles doivent tout à l'entrain irrésistible des arrangements orchestraux de Georges Sellers (également compositeur, voir à ce nom) : voir les reprises d'orchestre de "Cane... Cane... Canebière", ou les arrières plans presque symphoniques de "J'aime la mer comme une femme".
La "mode Scotto" prend lentement mais sûrement : il y a 3 ou 4 tubes dans "Au pays du Soleil", dans "Trois de la marine aussi", un ou deux dans "Zou ! le midi bouge" mais il n'y a plus que des tubes dans "Un de la Canebière" en 1935. Après quoi, l'effet Pagnol s'estompe et l'effet Scotto aussi, ou plutôt il se figent dans le temps : les premiers succès durent des années après, mais plus personne ne connait les airs du "Roi des galéjeurs" (1938).
Scotto part dès 1935 sur d'autres voies avec Tino Rossi, écrivant du faux folklore corse avec la même facilité, et à nouveau quelques succès pour Maurice Chevalier soucieux de se reconstituer un répertoire bien français à son retour des Etats-Unis. Le flambeau de l'opérette marseillaise sera repris, avec un succès moindre, par son arrangeur Georges Sellers, puis en 1948 par Charles Chobillon.
Après la guerre, Scotto composera encore entre 1948 et 1953 pour le théâtre Mogador (épaulé à la musique par Paulette Zevaco) trois opérettes à grand spectacle plus du tout marseillaises, et dans un style musical une fois encore radicalement différent, mais très mimétique des modes de l'époque, et qui doit beaucoup à ses orchestrateurs (Paul Bonneau, ici).
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