"Rosy" est la première des trois pièces produites par Raoul Moretti en 1930. C'est un succès moindre que "Six filles à marier" (3 mois sur scène, en septembre) qui doit surtout son succès à Dranem, mais un peu supérieur à "Femme de Minuit" (un mois et demi, en décembre). On est quand même loin des spectacles précédent (Comte Obligado) et suivant (Un soir de réveillon) du compositeur. Il y a peu d'airs mémorables dans Rosy, à l'exception du thème "C'est un rien", que l'on retrouve d'ailleurs réutilisé par Moretti dans la scène du bal final de la version filmée de "Un soir de Réveillon" (1933). Le public a semble-t-il été dérouté par le Moretti nouvelle manière, plus porté ici sur les airs langoureux que sur les rythmes endiablés qui avaient jusque là fait sa réputation.
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Le marquis de Croissy-Beaubourg aime la divette Rose Pastel — dite Rosy — au point de vouloir l’épouser, mais, étant candidat à l’Académie française en même temps qu’à celle de Rosy, il doit observer les usages de sa caste.
Pendant trois ans, Rosy, pour faire oublier son passé, voyagera loin de France sous le nom de Mme Rimbaud ; elle passera pour une jeune femme en instance de divorce. Pendant ce temps, elle parfera son éducation et sa conduite devra être irréprochable ; à cet effet, le marquis la fait escorter par trois chaperons: une ancienne hétaïre chargée de lui enseigner les belles manières et deux policiers privés. A l’expiration du délai, le marquis épousera Rosy; s’il manquait à cet engagement, il lui verserait un million de dédit.
Mais les voyages déformant la vieillesse; en cours de route, le marquis remarque si bien sa dactylographe qu’il ne songe plus qu’à se débarrasser de Rosy. La divette, qui n’avait encore jamais aimé, s’est éprise, de son côté, du jeune et sémillant Raphaël.
Le marquis ordonne à ses deux policiers de pincer Rosy en flagrant délit d’inconduite ; ainsi, le contrat sera rompu sans qu’il ait à délier sa bourse ; mais le premier chaperon, Mme de Sainte-Maxime, s’est intéressée à son élève au point de la défendre contre toutes les tentations. Elle lutte victorieusement contre les efforts des deux sbires. Lorsque le marquis surprendra enfin Rosy dans les bras de Raphaël, il sera trop tard; les trois années seront révolues depuis quelques secondes; Rosy aura, tout comme Philéas Fogg, gagné de justesse l’enjeu. Le marquis n’épousera pas davantage sa dactylographe que lui souffle un autre compagnon de leur voyage — Rigal. Il ne lui reste que Mlle de Sainte-Maxime : faute de grives, on mange des rossignols.