Le "Renard chez les poules" est une pièce injustement ignorée des historiens, qui n'en parlent que par oui-dire (tel Florian Bruyas). Elle a quitté l'affiche rapidement en 1929 pour de mauvaises raisons (mauvais théâtre, le théâtre Michel n'ayant pas de tradition dans le genre, mauvais éditeur, Choudens ne valant pas Salabert pour la promotion, mauvais moment, une semaine après le "Elle est à vous" de Maurice Yvain). La pièce a aussi certainement dérouté les amateurs de Tiarko Richepin, qui depuis "Venise" avait la réputation d'être un compositeur proche de l'opéra comique.
Quoiqu'il en soit, un examen de la partition prouve que c'est sans doute ce que son compositeur a fait de mieux. Certes, la musique n'est pas évidente comme chez Yvain ou Moretti, mais elle est très vive, souvent subtile et les accompagnements extrêmement soignés. Les airs les plus remarqués de la "Tulipe noire" en 1932 seront d'ailleurs ceux qui vont dans le même style que le Renard : la "Chanson des oignons" et "La Conscience", interprétés par Pasquali.
La partition comprend peu de rythmes franchement dansants, même si globalement on est dans un style fox-trots et one-steps, avec une jolie valse au milieu : tout est entrecoupé de ruptures de rythmes complexes et de croisements de voix (en particulier le trio bouffe du 2e acte) qui ont du donner du fil à retordre aux interprètes et au chef Albert Valsien.
Quoique la pièce ne porte pas sa signature, plusieurs indices me font penser que les lyrics sont peut-être d'Albert Willemetz : d'une part parce que ni Mouézy-Éon ni Alfred Machard n'étaient des paroliers, et que presque toutes les oeuvres de Mouézy-Éon ont des lyrics de Willemetz, ensuite parce qu'ils sont tout à fait dans sa manière (en particulier le n° 15, "On peut être deux..."). Mais la pièce n'ayant pas été créée aux Bouffes Parisiens et n'étant pas publiée par Salabert, il y a peut-être d'obscurs motifs contractuels à cette absence. Albert Willemetz était assez coutumier du fait, et on lui attribue les lyrics d'une dizaine de pièces qu'il n'a pas signées - et à l'inverse il en a signé plusieurs pour lesquelles il a été plus qu'assisté par René Pujol et Charles-Louis Pothier.
NB : la partition fut éditée sous le titre "Le Renard chez les poules", que j'ai retenu, mais lors des représentations, c'était "Un Renard chez les poules".
En 1948 et 1951, la radio nationale diffusa des enregistrements complets d'une pièce de Tiarko Richepin intitulée "Les demoiselles du pensionnat", oeuvre totalement inconnue et non représentée au théâtre. Après écoute de quelques extraits, c'est bien une nouvelle version du "Renard chez les poules" ! J'ignore s'il y a eu des changements par rapport à la version originale.
Elle fut également représentée dès mai 1929 en Hongrie, sous le titre imagé mais peu délicat de "Libavásár" (La Foire aux oies, littéralement !).
L'Histoire
Résumé de la pièce
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Ce renard introduit chez les poules est un aimable professeur nommé pour enseigner l'histoire dans un pensionnat de demoiselles.
Il est épris d'une surveillante. La directrice le trouve à son goût. Et toutes les élèves soupirent d'amour pour lui.
Une nuit, il entre au dortoir. Le portier, l’ayant aperçu, crie : « Au voleur ! » Pour se dérober aux recherches, le galant professeur se cache en des lits variés. Ajoutez que l’énorme mari de la petite directrice boulotte et volcanique est, lui aussi, amoureux de la surveillante.
Au troisième acte, nous sommes chez le professeur. Sa logeuse est douée d’une morale rigoureuse. Aussi, pour venir le retrouver, la surveillante doit se déguiser en blanchisseuse ; la directrice en zouave ; les élèves, en chauffeur, d’auto, en enfant de troupe, en petit pâtissier, en petit télégraphiste, en collégien, en chasseur de restaurant...
[Extraire de "La Presse", 2 février 1929]
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