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L’action se passe sur une plage bretonne, aux environs de 1850. A cette époque bienheureuse, il y avait encore sur des somptueuses côtes de France, des petits trous pas chers. Les villégiateurs s’y amusaient à bon compte et sans trop de malice. C’est pourquoi, vers le milieu du siècle dernier, toute une bande enjouée folâtrait à Kerrnichet-sur-Mer et prenait distraction à ces mille riens qui font la joie naïve et vaine des vacances. Quoique les baigneurs provinssent de milieux dissemblables, on s'entendait bien. Pignassou, capitaine de marine, brave et niais, Bellamy, de grotesque tournure ; le vicomte, au daim de la plus belle espèce, le jeune et prestigieux romancier Camille Feutrelle et la famille Minouflet faisaient ensemble bon ménage. Si bon ménage que Mlle Simone Minouflet, aimée secrètement par le vicomte, venait de se fiancer au brillant homme de lettres, type du séducteur. Le vicomte étant, Dieu soit loué ! d'une complète sottise et d’une humilité méritoire, tout aurait donc été pour le mieux dans le meilleur des mondes sans l’arrivée, à Kernichet, de la notoire et aguichante cantatrice Sylviane Saintage du Théâtre Feydeau. Du coup, les hommes perdent la tête, et les femmes halètent de fureur.
La sirène, c’est elle, Sylviane évidemment. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Mais les divettes étaient bien imprudentes à cette époque où ne sévissaient point encore les petites lampes électriques des laryngologistes. Se baigner, et toute nue, chaque jour, à l’heure de minuit, ne laisse pas que d'être assez dangereux pour la voix. Le romancier a vu fortuitement l’apparition merveilleuse. Lorsqu’il l’aura personnifiée, Simone, la pauvrette, en verra de toutes les couleurs. La nymphe, découverte en flagrant délit par les pêcheurs, ramenée nue et honteuse dans un filet d’argent, déguerpira avec son amoureux.
Plus tard, à Paris, chez Sylviane. Feutrelle est malheureux. Il s’ennuie à mourir et regrette ses chastes et calmes amours. Sylviane est, au fond, bonne fille ; avec la complicité du vicomte qui, grâce à de nouvelles gaffes, va tout « ragrafer », elle réconcilie les tourtereaux. Simone, bien entendu, ne demande qu’à pardonner.
[Extrait de "Comoedia", 1er octobre 1920]